Saint-Flour / Cantal
Texte d'Olivia Guéroult, que vous retrouverez aussi sur son site internet le Yoga de la vie.
Le yoga de la tendresse…
Il y a des œuvres d’art qui vous touchent, vous émeuvent qu’elles soient pétris des mains de la nature, de ses éléments, ou bien de l’homme. Cela vous saisit parfois au détour d’un chemin rencontrant la présence sinueuse, majestueuse, de deux arbres qui s’enlacent et s’ouvrent ensemble dans le ciel, ou bien encore une petite pierre ronde, bien polie, de couleur rosée, posée entre deux branches comme si une main experte, inspirée l’avait mise là pour nous rappeler la beauté, le hasard, le mariage du minéral et du végétal. Il existe ainsi toutes sortes de scènes, de tableaux, de créations, de plateaux tantôt éphémères ou tantôt installés dans le temps. Et que dire aussi de ces compositions enchanteresses du chant des oiseaux, de celui des cascades au fond du canyon, de la brise qui fait tinter le carillon devant la maison ?
J’ai toujours été admirative de l’extraordinaire prouesse de l’homme à traduire ses émotions, ses sensations qu’il prenne la plume, le pinceau, les mots, la terre, les sons…
Il m’a été fait un cadeau de cette grandeur.
Une sculpture.
Et j’ai peine à la nommer.
Je l’ai placée comme un trésor sur la table de notre pièce à vivre un peu en hauteur. J’aurais souhaité qu’elle m’accompagne lors de mes cours de yoga mais j’ai vite craint que les déplacements ne l’écorchent. Alors elle est là. Le matin je ressens sa douce présence. Quand il est encore tôt et que le soleil ne s’est pas tout à fait levé, elle est là dans l’ombre et puis plus tard, elle semble gouter sur son épaule droite et son cou la chaleur des premiers rayons. Encore un moment et elle rentrera dans la lumière du plein jour.
Je la rejoins parfois la caressant du bout des doigts mais le plus souvent je me contente d’un Namasté. Cela éclaire ma journée, m’invitant à savourer mon petit déjeuner, à prendre le temps de me réveiller, à passer du repos au travail, à apprivoiser cet espace/temps durant lequel on passe de l’ombre à la lumière, à me préparer et à sentir dans la justesse ce que j’aurais à faire. Le soir quand je rentre, elle me rappelle avec douceur à l’essentiel ; revenir au calme, le retour au Soi, à la tranquillité, me retrouver, laisser l’agitation à la porte.
Sa tête est légèrement inclinée, son buste penché vers l’avant, le bas du dos un peu cambré, portés dans une intention, une direction. Pas de raideur ni de verticalité à tenir ; les épaules fondent, les bras et les mains sont souples. Toute est voué à une inclinaison. Tout son corps, son attitude semble tournés, appelés vers quelque chose qu’elle rejoint et en même temps qui l’habite. Même sa chevelure épouse et se fond, dans la rondeur et les courbures, à cet appel à Etre. Ce qu’elle rejoint et qui l’habite est empreint de paix, de lumière, d’amour et surtout de tendresse. Ce mouvement qu’elle exprime est aussi intériorisé, elle va vers la lumière, l’amour, la tendresse et elle Est cela. Je me sens alors dans ses bras, bercée, lovée comme si je berçais dans le même élan, mon être intérieur. Et son sourire à peine esquissé, comme « bordé d’ailes d’oiseaux[1] » qui se suspend, vole léger comme une « plume d’ange[2] ».
Les iconographies de Marie ou bien de Bouddha ne me portent pas aussi intensément. Marie reste dans la dévotion et je sens son corps froid. Quant à Bouddha il y a quelque chose d’absent dans son sourire.
Alors, dans ces temps de lassitude, l’intention modeste de ce texte, est d’offrir cette pincée de tendresse et d’amour. Dans le yoga de la tendresse, portez-vous bien.
Un grand merci à Line Jeannot, l’artiste!
[1] « Le sourire de Jocelyne comme bordé d’ailes d’oiseaux ». Une très belle chanson de Luc Romann, poète, auteur compositeur mort en 2014 qui a côtoyé les plus grands artistes mais qui vivait à l’écart. https://www.amisdelucromann.ovh/biographie
[2] Plume d’ange ; une très belle chanson de Nougaro, artiste poète et fou, inoubliable.
